Marre du concept, vive "le Michel"
Je vais être honnête la « bouffe » est un des grands plaisirs de ma vie. J’ai la chance de voyager, d’aimer de tout et d’être curieux. Donc quand je voyage, j’essaie au maximum les spécialités locales quitte à être assez extrême parfois ce qui m’a valu de manger des insectes, des plantes non-identifiées, du singe ou même … du chien, alors même que j’en avais un.
Mais aujourd’hui je vais pousser un petit coup de gueule concernant les restaurants à « concept ».
Le Strasbourgeois que je suis a grandi avec des restaurants tenus par des fortes personnalités de « chez Yvonne » au « Saint-Sepulcre », célébre pour son patron qui fermait le restaurant l’été vers 12h30 car il mangeait lui-même en terrasse et bien d’autres. Aujourd’hui la personnalité a disparu, place au « concept »…
Alors certes je peux comprendre cette évolution. Aujourd’hui pour ouvrir un restaurant il vous faut présenter à une banque un business-plan avec recettes et dépenses estimées. Donc pour cela il vous faut un dossier solide et donc un « concept ». Alors si simplement vous voulez ouvrir un restaurant local à tartes flambées, vous risquez d’avoir des difficultés mais si vous décidez d’ouvrir un restaurant de spécialités afro-cubaines parce que vous avez découvert un truc pas mal lors de votre dernier déplacement à Varadero, vous avez des chances.
Et pourquoi avez-vous des chances ? Parce que où que vous alliez dans le monde maintenant vous mangez la même chose. Le comble du chic étant donc toujours un plat à base de Saint-Jacques ou d’une viande rouge exotique assaisonné selon la spécialité du restaurant (indien, italien, chinois, alsacien, cubain…).
Bref aujourd’hui, vous allez manger dans un restaurant à « concept ». Certes vous mangerez généralement bien, vous serez servi professionnellement par des serveurs compétents mais complètement interchangeables et votre repas sera préparé par un chef qui ne fera pas forcément ce qu’il aura envie de faire mais s’effacera derrière l’orientation du restaurant, le tout dans un décor lounge feng shui.
Vous aurez partout généralement le droit à des burgers dont un veggie, des gâteaux dont certains sans gluten et allegés le tout généralement agrémenté d’un légume ou d’un fruit « rare ».
Et le lendemain au travail ou en famille vous aurez cette conversation là :
- Tu as mangé où hier soir ?
- Au restaurant untel
- C’était bon ?
- Oui (sincère)
- Et tu as mangé quoi ?
- Euh …. Je ne m’en souviens pas trop, un burger …
Un des restaurants où tout Strasbourg aime déjeuner depuis longtemps est l’antithèse de cela. Le Michel, même si beaucoup de Strasbourgeois de plus de 30 ans l’appellent encore le Snack ou le « Snack Michel ».
Situé avenue de la Marseillaise, c’est la cantine où de l’étudiant à l’avocat de renom, de l’ouvrier au riche homme d’affaire, du nazillon au dignitaire socialiste, de Arsène Wenger à Cookie Dingler, tout Strasbourgeois digne de ce nom a déjeuné au moins une fois dans sa vie depuis presque 50 ans.
C’est un peu l’équivalent en jour de ce que peuvent être « Les Aviateurs » à la nuit Strasbourgeoise.
Et maintenant essayons d’expliquer le concept du « Michel » à un blogueur de bouffe hipster, à un « lifestyle designer » sur Instagram.
- Le Michel c’est quoi ?
- C’est un restaurant où je vais déjeuner.
- C’est bon ?
- C’est correct, leurs petits pains sont très bons par contre, j’en achète le matin si j’ai le temps avant d’aller au boulot.
- Le service ?
- Très professionnel et sympa.
- C’est cher ?
- Dans les prix.
- Ah … Le décor est sympa ?
- Euh … Pas de chichis inutiles disons et une terrasse correcte en été ou à l'arrière-cour.
Là le blogueur va vous regarder bizarrement.
- Mais pourquoi est-ce que vous allez manger là ?
- Parce que j’aime bien, que je suis sur de rencontrer du monde et qu’au moins, au Michel, j’ai une chance réelle qu’il m’arrive quelque chose de sympa et d’original pendant mon repas.
Voilà pourquoi depuis des années pour des centaines de Strasbourgeois, le Michel, le « Snack Michel » reste un incontournable et le restera toujours. Quelque part sa force est de ne jamais avoir été à la mode. Il n’a donc aucun risque de se démoder contrairement à tous ses restaurants ou services de traiteur jetables qui fleurissent partout maintenant.